Atlas du Haut Val de Marne (3) : La dépendance automobile

Après avoir étudié la distribution des revenus et celle des emplois, nous passons à l’analyse d’un indicateur fondamental en matière de développement durable : le nombre d’automobiles par ménage. Il s’agit d’un puissant révélateur à la fois des inégalités en matière de revenu et des inégalités en matière d’accès aux transports en commun. C’est aussi un indicateur très politique, tant l’automobile a fini par créer une véritable « dépendance » chez ses utilisateurs, dépendance qui est exploitée sans vergogne par des lobbies politico-industriels

1. Critère retenu : le nombre d’automobile par ménage au recensement de 2007

Il faut commencer cette chronique par un grand coup de chapeau à l’INSEE qui vient de publier le 1er septembre 2010 l’ensemble des données du recensement de 2007 par IRIS c’est-à-dire par quartiers pour l’ensemble de la France entière. Les données sont accessibles sur le site des données infracommunales du recensement 2007. On peut y télécharger aussi bien les données relatives aux habitants, aux logements, aux emplois …et y trouver aussi bien la pyramide des âges que le nombre de naissances, de chômeurs, de cadres, etc dans chaque quartier de la France entière ! Le seul problème est la taille gigantesque des fichiers (de 20 à 40 Mo chacun) et la difficulté à passer des données statistiques aux cartes (le fond de carte des IRIS ne pouvant être téléchargé que commune par commune). A quand un outil de cartographie interactive accessible au grand public ?

En attendant, les Verts de Sucy s’efforcent de vous informer en produisant quelques cartes intéressantes pour le débat citoyen. Cette semaine, nous allons nous intéresser à la distribution des ménages (habitants d’un même logement) en fonction du nombre d’automobiles qu’ils possèdent. L’INSEE nous fournit à la fois le nombre de ménages total, ceux qui ont une seule automobile et ceux qui en ont deux ou plus. On peut donc en déduire par soustraction le nombre de ménages qui n’ont pas d’automobile et construire une typologie des quartiers selon que les habitants ont un nombre plus ou moins important d’automobiles à l’aide d’un diagramme triangulaire

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Sur ce graphique, chaque point représente un quartier en fonction du % de ménages qui ont 0, 1 ou plus de deux automobiles. Par exemple, les points verts foncés correspondent aux quartiers où 50% des ménages n’ont pas d’automobile (majorité absolue) tandis que les points verts clairs sont ceux ou la majorité relative des habitants n’ont pas d’automobile (exemple : 40% sans automobile, 35% avec une automobile et 25% avec deux automobiles).   On définit de la même manière les quartiers où les habitants ayant deux automobiles représentent la majorité absolue (rouge foncé) ou la majorité relative (rouge clair). Idem pour le cas le plus fréquent où les ménages ayant une seule automobile représentent la majorité absolue (jaune foncé) ou la majorité relative (jaune clair). On peut alors réaliser une cartographie de la situation automobile des ménages à l’échelle de l’ensemble des quartiers du Val de Marne.

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Cette première carte permet de repérer d’emblée la singularité du sud-est du Val-de-Marne, caractérisé par la présence majoritaire de ménages ayant deux automobiles ou plus (rouge ou rose foncé) tandis que les quartiers les plus proches de Paris (en vert) sont les seuls où l’on trouve parfois une majorité de ménages sans automobile. Ceci est évidemment lié à la présence d’une plus forte densité de transports en commun mais aussi d’emplois à proximité de leur domicile. La situation dominante du Val-de-Marne est en tous les cas celle de ménages ayant le plus souvent une seule automobile (en jaune).

2. Le taux de dépendance automobile dans le Val de Marne : le rôle des transports en commun

Pour pouvoir synthétiser plus efficacement la dépendance automobile, nous avons procédé à une estimation minimale du nombre d’automobiles dans chaque quartier en faisant l’hypothèse que les ménages ayant deux automobiles ou plus en ont exactement deux. Par exemple, l’INSEE nous indique que le quartier Notre-Dame/les Bruyères de Sucy-en Brie comporte 917 ménages dont 388 ont une seule automobile et 493 ont deux automobiles ou plus. On en déduit que 36 ménages seulement n’ont pas d’automobile dans ce quartier riche et excentré (soit 917-388-493). On peut alors estimer le nombre minimal d’automobiles à 1373 (soit 36×0 + 388 x 1 + 493 x 2), sachant qu’il est sans doute supérieur puisque nous avons compté seulement 2 automobiles en moyenne pour les ménages en ayant « 2 ou plus ». On peut alors calculer la dépendance automobile de ce quartier en divisant le nombre minimum d’automobile par le nombre de ménage, ce qui donne 1.50 automobiles par ménage (soit 1373/917). On pourrait également calculer le nombre d’automobiles par habitant, mais il semble préférable de s’en tenir au critère des ménages.

Le niveau moyen de dépendance automobile dans le Val de Marne est de 0.9 automobile par ménage mais cette valeur de référence cache de gigantesques différences puisque les valeurs observées dans les différents quartiers vont de moins de 0.5 dans certains quartiers de Vincennes proches de Paris à plus de 1.6 dans des communes périphériques comme Santeny.

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Téléchargez la carte au format PDF

Ce qui frappe à l’évidence au vu de cette carte est la relation nette entre la dépendance automobile et la distance à Paris et, plus généralement, la distance aux réseaux de transport en commun (RER, métro, bus en site propre, …). Beaucoup plus que le revenu des habitants (qui intervient tout de même aussi), on est frappé de voir à quel point les angles morts du réseau de transport en commun constituent des niches majeures pour l’automobile.

Il faut également souligner que ces angles morts du transport en commun sont aussi des zones à faible densité, souvent occupées par de grands massifs forestiers (Forêt Notre Dame) ce qui rend difficile et non-rentable la mise en place d’infrastructures lourdes de type RER. On y trouve en revanche de grandes rocades autoroutières (francilienne) qui ont été à l’origine d’une urbanisation opportuniste provoquant un mitage irréversible des espaces agricoles et naturels.

C’est bel et bien une cartographie du développement non-durable qui est mise en évidence par cette cartographie de la dépendance automobile, et on comprend mieux à quel point le concept de ville dense est important pour réduire à la fois les nuisances automobiles et la destruction des espaces naturels. De ce point de vue, le sud-est du Val de Marne apparaît comme l’espace le plus pathologique en matière de dépendance automobile.


3. Zoom sur le Haut Val de Marne : le rôle de la richesse par habitant et de l’urbanisation sauvage

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La communauté de commune du Haut-Val-de-Marne rassemble 38703 ménages selon le recensement de 2007. Parmi ceux-ci, on en trouve 5778 (15%) n’ayant pas de voiture, 19364 (50%) ayant une seule voiture et 13561 (35%) ayant deux voitures ou plus. On peut donc calculer que les 7 communes rassemblent au minimum 46487 voitures (et sans doute plus !) ce qui donne un taux de dépendance automobile de 1.20 automobiles par ménage pour la Communauté de Communes du Haut-Val-de-Marne, ce qui est beaucoup plus que la moyenne du département (0.90). On pourrait certes objecter que les ménages sont souvent de plus grande taille en périphérie (familles avec enfant) ce qui expliquerait un nombre plus élevé d’automobiles. Mais la véritable raison est bel et bien l’éloignement des infrastructures de transport collectif qui est liée au développement de lotissements isolés de maisons individuelles, destinés souvent aux populations les plus aisées.

On notera également avec intérêt que la relation entre dépendance automobile et revenu médian des habitants est très forte dans les communes du Haut-Val-de-Marne, alors qu’elle ne joue guère lorsque l’on se rapproche de Paris.

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Le graphique montre très clairement que les quartiers à haut revenus sont clairement ceux qui utilisent le plus l’automobile dans le Haut Val de Marne, précisément parce qu’ils se sont implantés loin des gares dans des lotissements dits « de prestige » qui sont en fait des espaces de refuge pour se retrouver « entre soi ». On ne trouverait pas une telle corrélation près de Paris ou même à Saint-Maur, car ici les habitants riches forment des masses plus compactes sur de vastes territoires et ils n’ont pas forcément besoin de s’isoler pour se retrouver « entre soi » … Ils utilisent donc moins l’automobile et n’hésitent pas à utiliser à leur tour les transports en commun.

On le voit, il faut faire appel non seulement à la géographie ou l’économie mais aussi à la sociologie et l’histoire pour comprendre la situation actuelle de dépendance automobile des quartiers des communes du Haut-Val-de-Marne. Il est en tous les cas plaisant de constater que justice sociale et développement durable marchent ici ensemble car ce sont les plus modestes qui sont les plus respectueux de l’environnement et les plus riches qui détruisent l’environnement et subissent de plein fouet la dépendance automobile. Réduire les inégalités sociales de revenu pourrait donc être plus que bénéfique pour l’environnement !

Claude Grasland
Militant Vert, Sucy-en-brie


ANNEXE : Données statistiques sur la dépendance automobile des quartiers du Haut Val de Marne

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Publié par Claude Grasland

Co-secrétaire du groupe local EELV "Vallée du Morbras"

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