Tandis que les annonces autour du projet de prison à Noiseau agitent beaucoup les esprits, les bétonneurs et spéculateurs poursuivent avec constance leur projet de destruction des dernières terres agricoles de Noiseau. Certains poussant même le cynisme jusqu’à lier les deux dossiers sur le mode « Si vous ne voulez pas la prison, soutenez notre projet d’agro-quartier… ». Fort heureusement un rapport de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale permet de remettre les pendules à l’heure et pointe l’ensemble des faiblesses et des dangers d’un projet aveugle aux conséquences environnementales.
UN PROJET DE L’ANCIEN MONDE
Un espace stratégique très convoité
La commune de Noiseau se situe aux marges de l’agglomération parisienne dans un espace de transition entre la zone urbanisée et la « ceinture verte » forestière. Les dernières terres agricoles qui s’y trouvent sont précieuses, aussi bien pour la constitution de corridors écologiques naturels que pour la mise en place d’une agriculture périurbaine développant des circuits courts d’approvisionnement. Mais elle est également proche de la francilienne et les spéculateurs avaient déjà tenté en 2015 d’y implanter une vaste zone commerciale, évidemment accessible uniquement par l’automobile.

La friche France Telecom
Le cœur du projet de ZAC est un terrain laissé en friche par France Telecom.Le site environnant la tour hertzienne a été urbanisé par les PTT dans les années 1930. Simple îlot au milieu des champs, cet espace urbanisé serait désormais relié par une bande d’urbanisation continue à la commune de Noiseau, coupant brutalement en deux les espaces agricoles et les corridors écologiques potentiels. Noiseau et La Queue-en-Brie seraient ainsi bientôt reliés par une bande d’urbanisation continue !

Voici une photo aérienne du site. Elle est tirée de la plaquette de concertation publique de 2018. Admirez en passant comment on « vend » la sanctuarisation des propriétés foncières d’Orange en terres agricoles. Ces terres sont vraisemblablement agricoles depuis les défrichements du XIIe siècle. Surtout, elles ont toujours été classées comme agricoles par les documents d’urbanisme successifs, y compris et surtout par le SDRIF (Schéma Directeur de la Région Ile de France).

La « pastille » de béton du SDRIF
Les bétonneurs sont des gens patients … Dès 2013, ils avaient réussi – non sans peine – à placer une « pastille » orange foncé dans le SDRIF en vue d’une urbanisation future des terrains entourant la tour hertzienne, au mépris des corridors écologiques (flèches vertes) qui seront visiblement interrompus par le projet de ZAC et du risque d’ouvrir par la suite tout le reste de l’espace agricole environnant à la spéculation. Le fameux « front urbain d’intérêt régional » deviendrait surtout un front pionnier pour les promoteurs immobiliers !

Une présentation très orientée
Les visuels ci-dessous sont tirés de la plaquette de présentation de la ZAC France Telecom téléchargeable sur le site du GPSEA. Tout est fait pour donner l’impression que le projet est d’aménager un vaste espace vert :
- Le croquis en haut à droite teinte toute la ZAC de vert, y compris les immeubles et les entrepôts.
- Alors que tous les espaces de la ZAC sont annoncés en hectares, les jardins partagés sont annoncés en mètres carrés. On a ainsi l’impression qu’ils vont occuper un espace plus important.
- La plaquette présente les futures activités comme étant dédiées à la filière agro-économique mais rien ne peut garantir que ce sera bien le cas.

UNE CATASTROPHE ENVIRONNEMENTALE
Les agents de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE) sont évidemment tenus à un devoir de réserve face à un projet soutenu à la fois par le maire de la commune de Noiseau, le président du territoire GPSEA et la présidente de la région Ile de France. Mais l’avis du MRAE en date du 16 mai 2020, si on prend la peine de le lire en détail, souligne sans concession toutes les faiblesses, les approximations et surtout les dangers du projet proposé. Morceaux choisis …
Espaces agricoles
Hormis la présentation d’une carte situant Noiseau à l’interface du front céréalier du Val-de-Marne et de la zone dense parisienne (p.153), l’étude d’impact ne permet pas de prendre la pleine mesure de l’enjeu de préservation des terres agricoles et de leurs évolutions dans un contexte territorial plus global (département, proche couronne, « ceinture verte », région).
Source : rapport MRAE, p. 8
Par ailleurs, l’effet d’enclavement des parcelles généré par la réalisation du projet dans le tissu urbain, y compris au-delà du strict secteur du projet, n’est pas étudié. Pourtant, cette problématique est un obstacle récurrent à l’activité agricole en milieu péri-urbain, qui justifie sa prise en compte dans les projets pour en réduire l’impact. La MRAe note à ce titre qu’une parcelle en grande culture, au sud, va se retrouver isolée des autres parcelles de ce type, venant compliquer la circulation des véhicules agricoles de part et d’autre de cette bande.
Source : Rapport MRAE, p. 9

Artificialisation des sols
Selon la MRAe, le projet va entraîner une artificialisation des sols importante, en contradiction avec l’objectif national de zéro artificialisation nette . Le projet prévoit en effet une artificialisation potentielle des sols agricoles en limite ou au-delà du front urbain d’intérêt régional prévu par le SDRIF : 6 ha pour développer une zone résidentielle (environ 4,6 ha) en zone AU et des pelouses sportives (environ 1,3 ha7) en zone Ne ; 4, 1 ha en zone A en vue d’aménager des infrastructures sportives. L’aménagement du centre de bus, à l’est du site, se fait sur une emprise actuellement très peu imperméabilisée.
La MRAe recommande que l’étude d’impact présente un bilan précis et complet de la consommation d’espaces naturels et agricoles, et définisse les mesures d’évitement, de réduction et à défaut de compensation adaptées, et prenant en compte à la fois les enjeux liés aux sols et activités agricoles mêmes, mais également l’ensemble des fonctionnalités environnementales qui leur sont liées (biodiversité, capacité à stocker le carbone, perméabilité pour le cycle de l’eau, continuités écologiques etc).
Source : rapport MRAE, p.10
Préservation des milieux naturels
Aucun zonage réglementaire contraignant ni d’inventaire (ZNIEFF) n’est présent au sein de l’aire d’étude. (…) L’étude d’impact explique que le site du projet n’est directement concerné par aucune continuité écologique du schéma régional de cohérence écologique. Néanmoins, le site, au travers de l’ensemble constitué du ru, de la haie et des bandes enherbées attenantes, est, selon la MRAe, susceptible de remplir une fonction de corridor écologique d’intérêt local permettant d’assurer une connexion nord-sud entre la vallée du Morbras et la forêt de Notre-Dame, tous deux mentionnés dans le SRCE. L’analyse sur la fonctionnalité écologique du site doit donc être approfondie.
Source : Rapport MRAE, p. 11

Hausse du transport automobile et stationnement.
La MRAE recommande de mener une étude de circulation complète et approfondie [ce qui n’est pas le cas actuellement] afin d’évaluer les incidences du projet sur la circulation et sur les nuisances associées (…) L’étude d’impact mentionne la programmation de 831 places de stationnement au sein de la ZAC en conformité avec les dispositions du PLU10. Il est indiqué que la majorité des places seront en surface, entraînant une consommation élevée de l’espace, sans toutefois justifier ce choix. (…)
Selon la MRAe, le maître d’ouvrage a bien pris en compte et favorisé les mobilités douces au sein du projet (aménagement de voie cyclable) mais il ne précise pas suffisamment la stratégie alternative à la desserte automobile de la future ZAC (nombre élevé de places de stationnement, absence de précision sur la desserte en transports en commun et sur la programmation de liaisons vertes en direction des gares ou stations de RER notamment).
Source : Rapport MRAE pp. 13-14
Gestion de l’eau
L’étude d’impact indique (p.30) que « les voies publiques et réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement à la périphérie immédiate de cette zone n’ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions futures de la ZAC (et que) son ouverture à l’urbanisation est donc subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d’urbanisme (PLU) de Noiseau ». Elle précise toutefois (p.284) que le réseau d’adduction d’eau potable le long du site « est suffisamment dimensionné pour répondre aux besoins, notamment ceux liés à la défense incendie » et que pour le réseau d’assainissement « il n’y aura pas de problème de charge pour la station d’épuration de Valenton à laquelle la commune est raccordée ». Ces indications paraissant plutôt contradictoires, il serait utile de clarifier l’état initial et la capacité actuelle des réseaux.
Source : Rapport MRAE, p. 16
Energie et climat
L’étude d’impact évoque très succinctement une étude préliminaire sur le développement des énergies renouvelables (ENR) réalisée par IRIS Conseil sans toutefois présenter sa méthodologie et sa date de réalisation. (…) Selon la MRAe, l’absence d’étude sur le développement des énergies renouvelables peut constituer un manquement réglementaire au regard de l’interface entre l’étude de faisabilité sur le potentiel de développement en ENR de la zone et l’étude d’impact des opérations d’aménagement.
La MRAe rappelle aussi que les opérations d’aménagements tels que les ZAC ont mécaniquement des effets sur la consommation d’énergie et qu’elles doivent faire la démonstration que leurs stratégies énergétiques s’inscrivent dans une logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de maîtrise de la consommation d’énergie et de production d’énergie renouvelable.
Source : rapport MRAE, pp. 17
LA CONCLUSION N’EST PAS ECRITE : IL EST ENCORE TEMPS DE SE MOBILISER !
Derrière l’écran de fumée de ce soit-disant « agro-quartier » innovant se dissimule donc une opération classique de bétonnage des derniers espaces naturels de notre région. Pourtant l’espace agricole situé entre Noiseau et La Queue-en-Brie constitue sans aucun doute une opportunité exceptionnelle, à la fois pour restaurer des continuités écologiques (corridors verts, bleus et noir), mais aussi pour développer une authentique agriculture biologique de proximité organisée en circuits courts. Ne laissons pas passer cette occasion et sachons nous mobiliser comme d’autres ont su le faire à Gonesse !
Ce projet en est encore à l’étape de la concertation. Un cahier est mis à disposition du public en Mairie de Noiseau et un autre au siège du GPSEA. Chacun peut venir y déposer des observations. Des remarques négatives sont susceptibles d’entraver ce projet. Il faut que le plus grand nombre utilise cet outil pour argumenter contre le grignotage programmé de précieuses parcelles agricoles.
Olivier Sangoi (EELV, La Queue-en-Brie) & Claude Grasland (EELV, Sucy-en-Brie)
2 commentaires sur « Le soit-disant « agro-quartier » de Noiseau : une catastrophe écologique »