Atlas du Haut Val de Marne (7) : Synthèse socio-économique

Nous terminons (provisoirement ?) la publication des planches de l’Atlas du Sud-Est du Val-de-Marne en vous proposant une carte de synthèse des différences sociales et démographiques des quartiers du Val-de-Marne. C’est l’occasion de souligner l’originalité du quart sud-est du département, marqué notamment par la dépendance automobile.

1. Cinq critères pour une synthèse

Nous proposons d’établir une classification sociale et démographique des quartiers du Val-de-Marne à partir des cinq critères suivants, obtenus sur le site de l’INSEE et analysés plus en détail dans les chroniques précédentes de l’Atlas.

  • Le taux de chômage (CHOMAGE) constitue le premier critère retenu. Il a fait l’objet d’une analyse détaillée par âge et par sexe  (Atlas 4 : la vulnérabilité face au chômage).
  • Le nombre de personnes par ménage (LOGEMENT) n’a pas été étudié directement dans les chapitres précédents, mais il constitue un critère essentiel de différenciation des quartiers du Val de Marne puisqu’il mesure à la fois l’ancienneté du bâti (les logements anciens étaient plus petits que les logements modernes) et le vieillissement des habitants (les ménages avec enfants et les célibataires).
  • Le nombre moyen d’automobile par ménage (AUTOMOBILE) permet de mesurer à la fois le revenu des habitants mais aussi et surtout la disponibilité de transports en commun à proximité. Il a fait l’objet d’une analyse détaillée (Atlas 3 : la dépendance automobile)
  • Le revenu médian par unités de consommation (REVENU) est le critère le plus direct de mesure des inégalités sociales. Il a été étudié dans la première chronique de l’Atlas (Atlas 1 : les revenus par quartiers et communes en 2007)
  • L’âge moyen des habitants (AGEMOY) est enfin le critère le plus simple pour exprimer le degré de vieillissement des habitants, même s’il manque des nuances qui ont été détaillées dans l’analyse plus approfondie (Atlas 5 : Vieillissement, retraite et dépendance).

Nous n’avons en revanche pas retenu le critère du nombre d’emplois par habitant qui avait fait l’objet de l’une des premières chroniques (Atlas 2 : emplois et actifs) car il concerne davantage l’économie des communes que les caractéristiques socio-démographiques des habitants.

Le tableau de données décrivant les 500 et quelques quartiers du Val-de-Marne a
été complété pour estimer une dizaine de valeurs manquantes relatives
aux taux de chômage. Nous avons pris comme estimation le taux de chômage
d’un quartier voisin de la même commune ayant les mêmes
caractéristiques pour les quatre autres critères. Nous avons par
ailleurs éliminé tous les quartiers industriels comportant moins de 500
habitants car ils présentaient souvent des valeurs aberrantes, en
raison du faible nombre de personnes présentes. Ces quartiers
apparaissent en gris sur les cartes.

2. Sept grands types de quartiers

Une méthode statistique simple et robuste, appelée classification ascendante hiérarchique (critère de Ward) permet de regrouper les quartiers qui se ressemblent pour les critères retenus. Sans entrer dans trop de détails techniques, on peut dire que la méthode va analyser les spécificités de chaque quartier par rapport au profil moyen du Val-de-Marne, puis regrouper les quartiers ayant les mêmes écarts positifs ou négatifs à cette moyenne départementale. Le choix du nombre de classe dépend de la qualité du résumé que l’on veut obtenir, sachant qu’il faut trouver un bon compromis entre un nombre de classes trop élevé (précis mais peu synthétique) ou trop faible (synthétique mais peu précis). Ici, le choix de 7 classes apparaît le meilleur pour résumer les traits essentiels des oppositions entre les quartiers du Val-de-Marne. Une fois réalisée la typologie, on peut présenter dans un tableau le profil moyen de chaque type.

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Ce tableau indique par exemple que les quartiers de type A.1 (Bois l’Abbé) se caractérisent par un taux de chômage de 15%, un nombre moyen de 3 personnes et 0.75 automobiles par ménage, un revenu médian de 11733 euros par unité de consommation et un âge moyen des habitants de 34.1 an. Pour faciliter l’interprétation de ces chiffres, il est pratique de les standardiser afin de les comparer à la valeur moyenne du Val-de-Marne et à la variation des valeurs autour de cette moyenne.

Valeur standardisée = (valeur de départ – moyenne) / écart-type

Cette valeur standardisée est en général comprise entre -2 et +2. Elle exprime la distance à la moyenne du département mesurée en écart-type. On peut facilement l’interpréter à l’aide de la grille de lecture suivante :

  • -2 : très faible
  • -1 : faible
  • 0 : moyen
  • +1 : fort
  • +2 très fort

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Si on examine à nouveau la situation du type A.1 en valeurs standardisées, on voit beaucoup plus facilement l’originalité de quartiers qui sont caractérisés par un très fort taux de chômage (+1.4) et un nombre élevé de personnes par logement (+1.6). Il s’agit d’une population relativement jeune (-1.2) mais à très faible revenus (-1.5), avec un usage de l’automobile inférieur à la moyenne départementale (-0.7).

En procédant de même pour chaque type, on saisit facilement ses caractéristiques originale par rapport au reste du département et on peut procéder à des regroupements des classes proches en types principaux (A,B,C,D) et en sous types (A.1, A.2, B.1, B.2, C, D.1, D.2).

3. Une géographie sociale du Val-de-Marne


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  • Les quartiers récents, pauvres et à population jeune (type A) se concentrent dans des zones de grand habitat collectif récent situées à une dizaine de kilomètres de Paris. Ils couvrent parfois des zones étendues (Valenton-Villeneuve) mais le cas le plus fréquent est l’apparition d’enclaves situées en marge des communes ou à cheval sur les frontières de celles-ci (ex. entre Bonneuil et Créteil). On peut distinguer un sous-type « Bois l’Abbé » (A.1) à très faible revenu et très fort taux de chômage et un sous-type « Mont-Mesly » (A.2) avec une situation plus proche de la moyenne départementale sur les deux critères.
  • Les quartiers mixtes à urbanisation ancienne (type B) se situent aux abords immédiats de Paris et correspondent à une étape plus ancienne de l’urbanisation du Val-de-Marne, avec une forte composante de maisons individuelles ou de petits habitats collectifs. Il s’agit d’anciens quartiers ouvriers qui gardent pour certains une composante populaire avec taux de chômage élevé  (sous-type B.1 « Ivry ») et pour d’autres un profil plus moyen (sous-type B.2 « Saint-Maurice »).
  • Les quartiers d’habitat individuel situés en marge de l’agglomération (type C) correspondent à la vague la plus récente d’urbanisation liée à l’automobile. Il s’agit évidemment des lotissements qui se sont développés entre les grandes lignes de transport en commun, produisant un mitage des espaces ruraux ou naturels. Si le fort taux de motorisation constitue sa caractéristique première, ce type se marque aussi par des revenus assez élevés, un faible taux de chômage et un vieillissement relativement élevé de la population. On peut le caractériser de type « Marolles », cette commune étant un exemple caricatural d’urbanisation d’un ancien village agricole par des lotissements desservis par automobile.
  • Les quartiers riches à population âgée (type D) se concentrent autour du bois de Vincennes et des boucles de la Marne, ainsi que dans quelques localisations plus isolées. On y distingue un sous-type « Vincennes » (D.1) caractérisé par un urbanisme dense de type parisien et une relative mixité, par opposition à un sous-type « Saint-Maur » (D.2) qui est beaucoup plus marqué par l’habitat en grandes maisons individuelles et une ségrégation sociale nettement plus accentuée. Les deux types se différencient également par l’usage beaucoup plus élevé de l’automobile dans le type D.2 que dans le type D.1. Outre leur revenus très élevés, ces deux types de quartiers se caractérisent par un très fort vieillissement de leurs habitants.

4. Zoom sur le sud-est du département

CarteCahZoomJpg

La communauté de communes du Haut-Val-de-Marne se caractérise de prime abord par l’importance fondamentale des quartiers de type C à forte dépendance automobile. Il n’est finalement guère surprenant à la lumière de cette carte de voir que le débat public tourne de plus en plus autour des embouteillages, des risques d’accidents, des insuffisances des transports en communs … bref de tous les désagréments provoqués par cette très chère automobile (Cf. article « Des barbelés sur la prairie : comment Sucy et Saint-Maur ferment leurs frontières »).

Mais elles se caractérisent également par sa situation périphérique par rapport au pôle de richesse de Saint-Maur qui suscite à la fois envie et complexe chez les édiles locaux. A Chennevières comme à Sucy-en-Brie, quelques quartiers présentent des caractéristiques sociales et démographiques analogues à celles de Saint-Maur et leurs habitants réclament des politiques analogues à celle de la grande ville bourgeoise voisine (cas typique de la vidéosurveillance), oubliant que leur commune est autrement diverse et surtout moins coupée du reste du monde par la Marne que Saint-Maur !

Inversement, les communes du Haut-Val-de-Marne comportent des quartiers récents, pauvres et à population jeune, situés le plus souvent en marge à la fois sur le plan politique et géographique.  Généralement trop peu nombreux pour faire basculer des majorités municipales solidement ancrées à droite, les habitants de ces quartiers servent en quelque sorte d’alibi social à des communes qui remplissent tant bien que mal les critères de la loi SRU (20% de logement social) mais se désintéressent ensuite le plus souvent de ces zones qui votent mal et surtout qui votent peu (fort taux d’abstention). Il suffit de superposer la carte des équipements collectifs sur la carte de typologie sociale des quartiers pour comprendre à qui vont en priorité les investissements communaux. Aux quartiers chics les salles de danse ou de judo, aux quartiers pauvres la vidéo-surveillance …

5. Quelle stratégie pour les militants Europe-Ecologie/Les Verts dans le Haut Val de Marne?

Si l’on superposait la carte des derniers résultats électoraux d’Europe-Ecologie ou des Verts à la typologie sociale présentée ici, on constaterait que ce sont les zones de type C et D qui offrent jusqu’ici les meilleurs scores à notre parti. En d’autres termes, il y a encore beaucoup à faire pour développer une écologie sociale et solidaire qui suscite l’adhésion dans les quartiers populaires. Si nous prenons au sérieux les trois piliers du développement durable, nous avons du pain sur la planche pour militer dans chacun des types de quartier de nos communes :

  • Dans les quartiers à dépendance automobile (type C) : convaincre les habitants de renoncer progressivement à leur chère voiture pour passer aux modes de transport en commun ou au vélo.
  • Dans les quartiers populaires à fort taux de chômage (type A) : convaincre les habitants que l’écologie politique c’est aussi la solidarité, que la nourriture biologique n’est pas réservée aux bobos, que les économies d’énergie peuvent alléger leur budget, …
  • Dans les quartiers riches et vieux (type D) : convaincre les habitants que l’on emporte pas son argent dans la tombe et que le partage collectif offre autant de charmes que la possession privée.

C’est curieux, je sens bien les deux premières stratégies mais pas trop la dernière 😉

Claude Grasland
Militant Vert, Sucy-en-Brie

Publié par Claude Grasland

Co-secrétaire du groupe local EELV "Vallée du Morbras"

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