Atlas du Haut Val de Marne (5) : Vieillissement et retraites

Nous abordons cette semaine le thème du vieillissement démographique et de la réforme des retraites. D’un côté, les communes du Val de Marne se caractérisent par une population encore relativement jeune à l’échelle française. D’un autre côté, on voit augmenter dans certaines communes la part des plus de 60 ans. Les retraités qui quittaient jadis la région parisienne vont-ils désormais y demeurer ? Quel impact cela aura-t-il sur la vie des communes et des quartiers ?

1. Qu’est ce que le vieillissement et comment le mesurer ?

Lorsque l’on demande en France à une personne « quel est votre âge ?« , elle a généralement tendance à répondre en donnant la période de temps écoulé depuis sa naissance. Répondre « J’ai 40 ans » signifiera que j’ai franchi 4 décennies depuis ma naissance. Mais si l’on posait la question à un Camerounais, il répondrait peut-être en donnant sa distance non pas à la naissance mais à la mort. Dire « J’ai 20 ans » signifierait alors qu’il me reste environ 20 ans à vivre, quel que soit le nombre d’années que j’ai déjà parcourues.

La même question se pose lorsque l’on parle de la question des retraites. Un individu de 40 ans pourra dire « je travaille depuis 15 ans« , mesurant ainsi le début de sa période d’activité et il pourra ajouter, « j’en ai encore pour 25 ou 30 ans »  s’il tente de prédire le temps qu’il lui reste avant sa retraite.

Enfin, et ce n’est pas le moindre problème, les années de travail ou de retraite seront appréhendées de façon différente selon que l’on sera en bonne santé ou que l’on souffrira de handicaps. C’est toute la question de l’inégalité face à la retraite des catégories sociales. Un article de la revue Populations et Sociétés intitulé « La double peine des ouvriers » montre ainsi que non seulement les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres, mais en plus leur courte retraite comporte davantage d’années en mauvaise santé avec des handicaps.

On peut résumer ces réflexions à l’aide du croquis ci-dessous qui montre que l’âge d’un individu est en fait composé d’un ensemble de distances passées (distance à la naissance, au début de la vie active) et de distances futures (distance à la retraite, distance au handicap, distance à la mort).

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Les lecteurs français du présent blog pourront s’amuser à calculer quelle est approximativement leur durée de vie restante à l’aide du diagramme ci-dessous.

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Si vous êtes par exemple un homme de 40 ans, il vous reste environ 39 ans à vivre et vous avez juste franchi le milieu de votre vie. Si vous êtes une femme de 40 ans, il vous reste encore près de 45 ans à vivre et vous n’avez donc pas franchi le milieu de votre vie. Cet exemple simple montre que la seule distance à la naissance ne permet pas de résumer l’âge. En terme de distance à la mort, une femme de 40 ans n’est pas égale à un homme du même âge car il lui reste davantage à vivre. D’après l’étude de l’INED sur « La double peine … », un cadre supérieur de 35 ans aura encore devant lui 34 années de vie en bonne santé et 17 années avec des handicaps plus ou moins graves. Un ouvrier de 35 ans n’a plus devant lui que 24 années de vie en bonne santé et 17 années avec des handicaps plus ou moins importants.

En résumé, la notion de vieillissement doit tenir compte à la fois de la distance à la naissance (âge) et de la distance à la mort (espérance de vie) ou à l’invalidité (espérance de vie en bonne santé). Qu’en est-il pour la région Ile de France ?

2. L’Ile-de-France est une région jeune et en bonne santé à l’échelle européenne

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Avec une moyenne d’âge de 37 ans en 2005, l’Ile de France est l’une des régions les plus jeunes d’Europe (carte de gauche). Elle dispose par ailleurs d’une espérance de vie en bonne santé (sans handicap) qui est de 74 ans  ce qui est à nouveau parmi les meilleures situations en Europe (carte de droite). Lorsque l’on combine ces deux indicateurs, on peut en déduire un indicateur de développement démographique durable qui est le % d’années de vie en bonne santé restante . En Ile-de-France, ce rapport est de (74-37)/74 = 0.5, ce qui signifie que les Franciliens ont encore en moyenne devant eux 50% de leur vie en bonne santé. Tel n’est pas le cas de la plupart des régions européennes (carte du dessous).

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On voit par exemple que dans certaines régions de Bulgarie, les habitants ont des moyennes d’âge de près de 40 ans et des espérance de vie en bonne santé de 60 ans. Leur indice démographique est alors de (60-40)/60 = 0.33 ce qui signifie qu’il ne leur reste plus guère qu’un tiers (33%) de leurs années de vie en bonne santé devant eux …

3. Le vieillissement des communes et quartiers du Val de Marne en 2007

S’il est relativement facile de calculer l’âge moyen des habitants des quartiers et communes du Val de Marne grâce aux données du recensement de 2007, il est difficile voire impossible de calculer leur espérance de vie en bonne santé et même leur espérance de vie tout court à un niveau géographique aussi fin. Les décès annuels ne sont en effet pas assez nombreux pour que l’on puisse estimer correctement la mortalité, sauf à prendre des périodes très longues ou à agréger les résultats par communes. On peut néanmoins avoir une idée assez bonne du vieillissement en regardant l’âge moyen des habitants et en gardant en tête le fait que l’espérance de vie en bonne santé est de l’ordre de 74 ans. On en déduit que les zones où l’âge moyen dépasse 37 ans correspondent à des territoires où les habitants ont franchi la moitié de leur durée de vie en bonne santé et peuvent être considérés comme « vieillissants ». Au contraire, les territoires où l’âge moyen est inférieur à 37 ans sont des lieux où les habitants ont encore plus de la moitié de leur vie devant eux et sont donc « jeunes ».

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Le département du Val-de-Marne offre de très grands contrastes démographiques puisque l’on va de quartiers à population très jeune (moyenne d’âge inférieure à 30 ans) à des quartiers extrêmement vieillis (moyenne d’âge supérieure à 50 ans). Dans certains cas, le vieillissement est plus apparent que réel car il résulte de la présence d’une maison de retraite sur le territoire du quartier. Mais on trouve tout de même de vastes zones de vieillissement, notamment à Saint-Maur-des-Fossés ou Nogent-sur-Marne. On note également les écarts spectaculaires qui peuvent être observés à l’intérieur de certaines communes comme Fontenay-sous-Bois, avec une population très jeune du côté Nord et très vieille du côté Sud.

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Le Haut Val de Marne est également un espace très contrasté, où le vieillissement est intimement lié à l’histoire de l’urbanisation et à l’étalement urbain.

Dans les communes du plateau urbanisées tardivement comme Marolles ou la Queue-en-Brie, la population qui s’est installée dans les années 2000 à 2010 était composée de jeunes actifs (25-30 ans) qui ont eu plusieurs enfants. Les personnes âgées étaient rares dans ces espaces et la jeunesse de la population est donc le résultat de la date tardive de croissance urbaine.

Dans les communes situés sur le talus comme Boissy, Sucy ou Chennevières, les contrastes démographiques sont beaucoup plus accusés et reflètent cette fois-ci des choix d’urbanisme plus anciens. Les zones de « pavillon de meulière » héritées des années 1920-1940 (Lois Loucheur) correspondent en général à des populations assez âgées, même si le changement des générations entraîne des rajeunissement cycliques. Pendant longtemps, le départ à la retraite des Parisiens vers la province a permis à de nouvelles générations de rajeunir régulièrement la population de ces quartiers. Il n’est pas certain que cela continue dans la mesure où beaucoup de zones rurales deviennent des déserts médicaux, incitant les personnes âgées à « rester en ville ». Les zones les plus jeunes de ces communes sont sans surprise les quartiers d’habitat collectif construits dans les années 1960 à 1980 (Fosse Rouge, Cité Verte, Haie Griselle, Bois l’Abbé, …). Le vieillissement a ici été limité jusqu’ici par l’ascenseur social. Ces quartiers attiraient de jeunes ménages à revenus modérés qui y louaient des appartements et y élevaient leur premier enfant. Ceux dont les revenus progressaient pouvaient ensuite devenir propriétaires et passer en maison individuelle ou dans des logements de plus grande taille dans d’autres quartiers. Il n’est toutefois pas certain que ce modèle puisse se poursuivre à l’avenir puisque la crise touche les plus modestes. Le processus de vieillissement dans les quartiers de personnes à revenu modeste et à fort taux de chômage n’est pas une hypothèse d’école …

4. La part croissante des plus de 60 ans : évolution 1999-2007

Si l’on examine plus précisément la tranche d’âge des plus de 60 ans, on peut tenter de repérer comment évolue leur distribution spatiale entre les deux recensements de 1999 et de 2007. Il y a malheureusement quelques lacunes pour 1999 puisque certaines communes comme Noiseau ou Ormesson n’étaient pas encore découpées en quartiers à cette date.

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Nous ne commentons pas dans le détail les cartes de répartition des plus de 60 ans présentées ci-dessus, car elles rappellent sur bien des aspects la carte de l’âge moyen des habitants. On se bornera juste à noter la très grande hétérogénéité de Sucy-en-Brie et de Chennevières qui présentent des proportions très contrastées de plus de 60 ans d’un quartier à l’autre.

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Le poids des plus de 60 ans dans la population totale augmente rapidement dans la population du Val de Marne mais contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il ne touche pas spécialement les communes proches de Paris. Au contraire, celles-ci attirent désormais de plus en plus les jeunes ménages qui renoncent à construire une « petite maison dans la prairie » comme leurs aînés. Il vaut mieux désormais habiter en zone dense près d’une gare de RER …

Du coup, le vieillissement le plus marqué apparaît non pas à Saint-Maur ou à Nogent mais dans des communes plus éloignées comme Sucy-en-Brie, Boissy-Saint-Léger, Chennevières, La Queue-en-Brie, le Plessis Trévise. Certes, il ne s’agit encore que d’une tendance  timide, mais il ne serait pas si surprenant de voir dans les années à venir la communauté de commune du Haut-Val de Marne se couvrir de résidences de personnes âgées, tandis que les crèches iront plutôt s’installer aux portes de Paris …

Claude Grasland
Militant Vert, Sucy-en-Brie

Pour en savoir plus :

Baron M., Cunningham-Sabot E., Grasland C., Rivière D., Van Hamme G., 2010, Villes et régions européennes en décroissance : maintenir la cohésion territoriale, Hermès-Lavoisier, 345 p.

Villes et


ANNEXE : Données statistiques sur la démographie des quartiers du Haut Val de Marne en 1999 et 2007

  • Données du recensement de 1999

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Publié par Claude Grasland

Co-secrétaire du groupe local EELV "Vallée du Morbras"

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